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9 novembre 2010

La visite de la Girafe

— « Les gens se trompent quand ils pensent que les miens n’ont rien à faire dans ce temps, car les miens sont en vérité et en réalité plus vivants dans ce temps que d’autres et maîtrisent ce temps, comme on le voit, avec une intelligence plus concrète que d’autres, lorsque je songe que l’influence qu’ils exercent aujourd’hui sur leur entourage n’est pas des moindres. »

Léa et Maurice lisent le même livre dans des temps différés. Désormais, Maurice précède parfois Léa, parfois c’est l’inverse. Quand Maurice vient sur les pas de Léa, les passages que Léa a lus à haute voix lui reviennent en écho, comme s’il les avait lui-même choisis.

« Comme ils ont été étonnés, a dit mon oncle Georg, lorsque je leur ai fait remarquer un beau jour qu’ils n’avaient plus ouvert nos bibliothèques depuis six mois et que j’ai exigé l’accès aux bibliothèques. Lorsque je disais nos bibliothèques, les gens étaient toujours surpris car tous les autres gens auraient pu dire, dans le meilleur des cas, notre bibliothèque, parce qu’ils n’avaient qu’une bibliothèque, nous, nous en avions cinq, mais avec ces cinq bibliothèques nous étions tout de même restés, intellectuellement, sur une voie de garage, a dit mon oncle Georg, d’une manière beaucoup plus honteuse que les gens qui n’avaient qu’une seule bibliothèque. »
À faire le compte de qui grimpe les sept étages du 87 boulevard de la Fraternité, on ne va pas loin. Un, deux, trois. On ne peut pas parler d’adeptes : Alain, quand ça le prend, Sara, quand ça lui plaît, et monsieur H., quand ça lui chante. Ce dernier est le plus régulier, un abonné en quelque sorte.
La visite de monsieur Roups, qui se présente comme Irénée Roups gérant de la Girafe tout près là-bas sur la place, surprend Maurice et Léa. Avant d’en venir à l’objet de sa visite, il les félicite pour leur installation, en connaisseur. Il partage leur goût pour les livres même s’il a préféré pour sa part, modestement, se spécialiser dans les livres qui comprennent « hôtel » dans leur titre, car étant hôtelier (depuis 1828), c’est parfaitement logique, somme toute. Maurice croit que c’est là le motif de sa démarche. Léa devine déjà Alain dans l’ombre de cet homme. En effet, il vient de sa part.