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6 novembre 2010

La dissociation de l’espace et du temps

Léa n’a pas parlé à Alain. L’imbattable boucan n’y fut pour rien. Elle se plaça dans son champ de vision sans qu’il réagisse. Il marchait au sein de la manifestation mais Léa voyait qu’il n’appartenait pas à cet ensemble, comme s’il partageait le même espace mais pas le même temps (le comptage des manifestants en tiendra-t-il compte ?). Alain marchait nue tête sur un boulevard déserté et balayé par le vent. Cette impression se confirma quand, après qu’elle l’eut reconnu, elle fut saisie par le fléchissement de sa silhouette qui lui donnait quinze ou vingt ans de plus. De son visage seul son nez répondait à sa définition, reste de son intégrité, témoignage de son authenticité.
Léa fut happée par un courant joyeux qui remontait effrontément vers l’avant. Elle ne s’aperçut pas qu’elle dépassait le 87, le nouveau et tumultueux gouvenement du boulevard faisant peu de cas de son environnement bourgeois qui, au mieux, apparaissaient comme des berges lointaines.
Léa ne s’en ouvrit pas à Maurice. Elle attendait. Maurice n’ajouta rien non plus. La vision de son frère s’était imprimée et ne laissait pas en paix. Il aurait aimé continuer de penser qu’Alain était reparti en Tasmanie, ou en Patagonie — et il se défendait d’ajouter « au diable ».

— « Mais il est faux de dire qu’à Wolfsegg le temps se serait arrêté, puisque eux, les miens, sont dans ce temps, existent dans ce temps, comme ils le prouvent par leur existence présente. Ils sont même imprégnés par ce temps présent, ai-je pensé, beaucoup plus profondément que d’autres, mais à leur manière. Il n’est pas juste de dire que les miens sont des survivants d’un temps passé, d’un temps ancien, d’un temps depuis lontemps révolu, puisqu’ils sont dans ce temps. »