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27 septembre 2010

Éloge de Walter, une revanche

— « Du gravier au fond de la gorge, une voix de théâtre, disait-on, tellement caractéristique, et comme Walter en faisait beaucoup dans la vie, toujours en représentation, le prototype du cabot selon la définition commune, victime de sa voix tonitruante car même s’il chuchote on n’entend que lui des kimomètres à la ronde, on voudrait qu’il se taise enfin, au moins de temps en temps, alors que ses propos méritent d’être écoutés, quand il disserte sur l’usure de la beauté, par exemple, sans jamais interrompre sa phrase, la laissant s’écouler en respirant à la virgule pour mieux illustrer son propos, il nous captive sans effort, lui que la rumeur rapporte qu’il fut le plus bel homme de son époque, émargeant aux bras des plus belles femmes dans les salons les plus en vue du boulevard Saint-Germain, ce dont il ne se vante pas, candide garçon à la voix fluette perdu parmi les vieillards du Temps retrouvé, introduction magistrale à cette dissertation qu’il enrichit au fur et à mesure qu’il la dévide, quand les faits le rattrapent, comme l’atteste sa voix caverneuse et ses efforts pathétiques pour se tenir droit. »
— Tu crois que c’est le même Walter que Sara nous a présenté ?
— En tout cas c’est ce qu’elle écrit. « Quand Walter se tait, au lieu de mourir, il écoute. Il m’écoute alors que je ne parle guère. C’est le Walter que je connais le mieux. Je ne lui sais pas d’âge depuis le jour où je rencontrai, à un arrêt de bus, ce vieillard chenu comme celui présenté sur les gravures des âges de la vie, moi illustrant idéalement alors le premier. J’en suis maintenant au deuxième. Quand mes silences sont trop épuisants, au lieu de parler, il chante. Il choisit une chanson de troubadour célébrant l’amour courtois, un air de cour de monsieur Lambert, une mélodie de Duparc, ou une bluette que sa mère fredonnait pour se donner du courage. Il ne recourt à aucun artifice. Si sa voix accuse quelques accents rocailleux, je la reçois comme une eau fraîche qui s’est jouée des obstacles, à son profit et au mien. »
— Tu crois aussi que c’est la même Sara ?